Datée en 1610, année de leur première exécution à Mantoue, les Vêpres conjuguent la dimension liturgique à une ferveur théâtrale singulière. Cette fougue se manifeste ici dès l’ouverture, avec l’infaillible Doron Sherwin au cornet à bouquin, suivi par les sacqueboutes qui reprennent le thème de la fanfare introductive de L’Orfeo (de trois ans antérieur). Les souffleurs se positionnent dans l’allée centrale, au milieu du public, et entonnent le Deus in adjutorium – Domine ad adjuvandum, le chœur entourant le public. Le ton est donné : la spatialisation sera le maître mot de ce Vespro.
La musique jaillit de part et d’autre de la chapelle, surprenant les auditeurs. On se rapproche là au plus près de la manière dont la musique se jouait au XVIIe siècle à la basilique Saint-Marc de Venise. Lorsque les deux ténors, Mathias Vidal et Valerio Contaldo, se font face par balcons interposés, c’est au chef de diriger depuis l’épicentre du bâtiment les choristes positionnés à chaque extrémité. L’écoute devient alors active et la chapelle se transforme progressivement en scène de théâtre.
Les solistes, avec l’exaltante soprano Mariana Flores en tête, l’ont bien compris : cette musique requiert un plein engagement et tout est précisément incarné. Valerio Contaldo en joue particulièrement, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Il se montre, il est vrai, très à l’aise dans ce répertoire, négociant les aigus avec une facilité étonnante. Le baryton Andreas Wolf et la basse Rafael Galaz apportent une noirceur réconfortante, tandis que le contre-ténor David Sagastume brille par la légèreté de ses vocalises. La soprano Deborah Cachet nous transporte lors du Pulchra es, en duo avec Mariana Flores.