Il fallait bien le décor des Alpes valaisannes, un ciel zébré d’éclairs et la pluie martelant les toits pour accueillir la Mass in E minor de Bach. À Verbier, tout concourt à l’oubli du temps : la verticalité des cimes, la lumière qui change à chaque minute, et cette Salle des Combins, pavillon de bois et de verre qui surgit chaque été avant de disparaître. Écrin provisoire pour une œuvre d’éternité : paradoxe ou image parfaite ? Peut-être la seule qui convienne à ce monument où l’humanité a mis tout ce qu’elle savait d’harmonie et de mystère.
Et quelle distribution ! Ying Fang, cristal suspendu, et Alice Coote, mezzo tellurique, fondent leurs timbres dans un Et in unum Dominum ciselé comme une miniature. Muse du chef, Mariana Flores illumine le Laudamus Te de vocalises perlées. Bernard Richter, ténor solaire, modèle l’Et in Spiritum Sanctum avec un legato ductile, presque mozartien. Benjamin Appl, baryton profond, sculpte le Quoniam comme un bas-relief sonore, entouré d’un trio de cors et basson d’une noblesse rustique. Puis vient ce moment suspendu : le Benedictus. Alarcón s’assoit en tailleur, cède la scène à la flûte et à Richter. Geste d’humilité, silence sacré. La musique ne s’entend plus : elle se respire.